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Événements du mois |
L’indispensable Bernard Souroque m’en avait pour la première fois parlé fin 2008, au cours de l’entracte gastronomique qui rythme les soirées jeux de carte de l’AFJ. J’avais mentionné au cours de la conversation que je jouais de la guitare à mes heures perdues ; bavardage qui n’échappa pas à Bernard, qui m’indiqua que l’AFJ prenait part cette année à l’organisation de l’édition tokyoïte de la Fête de la Musique, à l’Institut Franco-japonais de Iidabashi. En tant que coorganisatrice, l’association encourageait chaudement ceux de ses adhérents qui s’en sentaient musicalement capables à se présenter aux auditions. Histoire de montrer de quel bois on se chauffe à l’AFJ, non mais. Lors des éditions précédentes, les auditions étaient semble-t-il réservées aux artistes pro et semi-pro, c’est- à-dire pas à moi, mais cette année les amateurs de tous horizons étaient eux aussi encouragés à se présenter. Je me retrouvais donc soudain éligible.
Quelques mois passent, puis vient Mai et le jour de l’audition. Une fois installé dans l’amphithéâtre de l’Institut, alors que j’accorde ma guitare, Cyril Coppini, responsable Musique et Arts de la Scène de l’Institut et principal superviseur de l’événement, m’informe que ça lui ferait plaisir si je pouvais lui proposer quelque chose de bien acoustique, pourquoi pas chansonnerie, pourquoi pas jazz, pourquoi pas manouche. Ca tombe bien c’est plus ou moins ce que j’avais prévu. Depuis mon arrivée au Japon, mon répertoire s’est de plus en plus resserré sur la chanson à texte en français et en japonais, réarrangée à ma manière pour guitare sèche et voix. Je saupoudre un léger swing sur le rythme, je glisse deux trois accords manouches enrobés de falbalas mélodiques sur les cordes aigües, et je laisse l’inspiration du moment porter la voix, pour des résultats souvent très éloignés de l’original, mais autant plaider coupable : pour moi reprendre des standards, c’est plaisant uniquement s’il y a improvisation et prise de risque. Bref. Je joue donc une petite chanson en français, une en japonais, et le tout semble plaire à Cyril, qui me propose en conséquence un petit set d’une vingtaine de minutes le 21 juin dans l’après-midi. Banco. Une audition comme on les aime, courte, agréable et dénuée de stress. Au passage, j’ai beaucoup apprécié l’acoustique de l’amphithéâtre de l’Institut.
Le jour J, une pluie fine tombe sur Tokyo. C’est ballot vu qu’il faisait très beau les jours d’avant et qu’il fera très beau les jours d’après. Pour ma part je suis rompu aux fêtes de la musique pluvieuses, mais apparemment le public japonais l’est un peu moins : il y a aujourd’hui, me dit-on, moins de monde que les années précédentes. Qu’à cela ne tienne. C’est du beau monde. Et puis il y a à manger et à boire. Comprenez fromage et bière, que du bonheur. J’arrive une demi-heure avant l’heure prévue de mon passage, Cyril me conduit à la salle qu’il a mise à disposition des artistes, j’y bois un petit verre d’eau, accorde ma guitare au calme, discute avec un guitariste électrique japonais, la trentaine insouciante, qui passera peu de temps après moi, fume une petite cigarette en sirotant une mousse, répète une dernière fois mentalement les paroles de mes chansons, surtout une en japonais dont je viens d’apprendre quatre couplets d’un coup dans le train, et qui est à deux doigts de me sortir complètement de la tête la coquine, rappelez-vous des poésies - mal - apprises a l’école lorsqu’il fallait les réciter au tableau. Et puis ça y est, c’est l’heure, trois grammes de stress, mais du bon, du stress productif qui fait qu’on chante mieux en concert qu’en répétition, quelques visages connus qui me glissent des encouragements alors que je vais pour prendre place, je passe après un jeune rocker français qui a du style, une voix puissante, l’expérience de la scène, un mec qui sait faire du bruit et poser l’ambiance. L’ambiance que je m’apprête à poser va s’avérer radicalement différente, mais c’est précisément l’un des objectifs de la Fête de la Musique que de promouvoir la diversité.
Quelques réglages sonores, je demande un petit retour pour m’entendre chanter, et c’est parti. Mon set pour aujourd’hui : Je M’Suis Fait Tout Petit de Brassens, Nagoriyuki de Iruka, Amsterdam de Brel, Shiruetto Romansu de Takao Kisugi. C'est-à-dire, de la chanson lente, triste, et à texte. C’est ce que j’aime, mais ça peut rapidement lasser un public si ça manque d’énergie. Alors je donne tout. Devant moi, les visages connus me sourient, certains visages pas connus me sourient aussi, je le prends comme un encouragement d’autant plus que personne ne semble faire mine de partir. Mes quatre chansons terminées, je décide, après ce qui fut essentiellement un hommage à la chanson romantique en français et en japonais, d’envoyer un jazz un peu plus punchy pour les dernières quatre minutes. Ce sera Ray Charles, Unchain My Heart, impro totale, je me fais très plaisir, je me casse la voix, on applaudit, je suis content et j’espère que le public l’est aussi. Et voila, c’est fini. C’était court, c’était jouissif, c’était un concert en petit comité mais j’ai vraiment aimé.
Dehors, entre deux bières, j’apprends que le son était clair et puissant du côté du public, ce dont je n’étais pas certain parce que je n’avais pas demandé un retour suffisant. Me voila rassuré. Un membre du groupe qui passe après moi me donne l’accolade, j’apprends qu’il est chef à Tokyo et pas n’importe lequel, c’est monsieur Thierry Voisin, je me promets de goûter à sa cuisine au plus vite parce que ça doit être quand même très bon. Devant la brasserie les discussions s’animent, on fait des rencontres, les bières se vident, la musique est bonne et tout le monde a déjà oublié le ciel gris. Allez, encore dix minutes et je vais devoir y aller.
Merci à Cyril Coppini et Bernard Souroque, à l’Institut Franco-Japonais et à l’AFJ, à tous ceux qui se sont déplacés le 21 juin. Si je suis toujours à Tokyo l’année prochaine, j’aimerais remettre le couvert. Je sais qu’il ne pleuvra pas cette fois. On boira, on mangera, on rira, on écoutera de la bonne musique. Pas besoin d’être en France pour passer un 21 juin comme il faut. Ca va être du lourd. Quant à toi, musicien amateur qui a lu cet article jusqu’au bout : fais-toi donc plaisir, passe l’audition l’année prochaine !
Texte : Julien Vig | |
Photos : Coralie Taquet |