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lundi, 06. mars 2023
10:00 - Café Tokyo Accueil de Mars
Comme chaque mois, dans le cadre de sa mission JAPON ACCUEIL, l'AFJ organise un café Tokyo Accueil basé sur la convivialité. C'est le moment de nous présenter et de vous rencontre...
vendredi, 10. mars 2023
19:00 - Tarot de Yokohama de mars
Au menu de cette soirée Tarot: Prenez l'apéritif pendant le premier tour ! La session débute à 19h00 et se terminera à 23h00 . Plat de résistance + café + un pichet d...
samedi, 11. mars 2023
07:00 - Week-end ski à Nikko
Les 11 et 12 mars 2023, venez découvrir en ski de fond le Samedi et raquettes le dimanche les paysages enneigés autour de Yumoto-onsen, petite ville thermale réputée pour ses bains...
10:00 - Visite guidée de Kamakura
Le temple Kenchôji appartient à la branche bouddhiste « zen » (école Rinzai) et est le premier des cinq temples majeurs de la même branche de Kamakura. Il a été construit en 1253 p...
mardi, 14. mars 2023
09:00 - Gravez votre estampe japonaise
A la suite de la découverte des estampes japonaises avec Maître Keizaburo MATSUZAKI, imprimeur, venez vous initier au travail exceptionnel effectué en amont, de la gravure sur bois...
mercredi, 15. mars 2023
10:01 - Tarot de Tokyo
Venez jouer au tarot autour d'un bon repas mercredi 15 mars.
lundi, 20. mars 2023
19:00 - Apéro accueil du 20 mars
Notez bien cette date: Ce lundi 20 se tiendra l'apéro accueil du mois de Mars! A ne pas manquer si vous ne pouvez vous rendre a nos rendez-vous habituels, ou si vous préférez socia...
jeudi, 23. mars 2023
10:00 - Balado photo de Mars
La sortie balado photo de Mars sera un grand classique de printemps à Tokyo. Les Sakuras le long de la meguro river.... 2 heures de marche et un bento ?

l'AFJ, les activités pour les francophones au Japon

Rafting Blues - Mai 2006

 

Une journée de rafting, ça n’a l’air de rien a priori. Un moment de détente avec une bande de copains de l’AFJ. Une petite virée à deux heures de Tokyo, un gentil convoi qui arrive à bon port, grâce à cet outil épatant qu’est le GPS. Mais on peut l’imaginer aussi comme le film d’un réalisateur méticuleux, le genre de type qui veut tourner chacune de ses scènes dans une tonalité particulière.

 

L’histoire commence dans le gris, dans le bleu. Les couleurs d’un dimanche matin de ce 20 Mai tokyoïte, celles des buildings de béton et de verre, et des voitures qui filent sur l’expressway. Les conducteurs et leurs pilotes sont un peu nerveux. Ils veulent être sûrs que le convoi va rester en un seul morceau, du moins jusqu’à l’arrivée sur l’autoroute qui nous emmène vers l’ouest. On se téléphone de voiture à voiture. On se dit des trucs du genre : « Allô ! Jean-Louis, tu suis ? ». Évidemment que Jean-Louis suit. Les autres aussi d’ailleurs. On reste longtemps dans le gris parce qu’il faut bien que le ruban de l’asphalte se déroule. Dans la voiture de tête, une voix féminine un rien robotique et enfantine donne ses instructions en japonais. Le GPS ne se trompe jamais, encore faut-il comprendre ce qu’il raconte.

La scène vire au vert. Tokyo a beau être une mégapole, elle se dissout vite dans la puissance des champs et des arbres. Et puis, c’est le printemps, et il a la bonne idée de s’étirer dans ce pays longiligne. Les caniveaux de Tokyo ont avalé leurs derniers pétales depuis belle lurette, mais ici, le vert se ponctue de blanc. Le blanc rosé et mélancolique des sakura. Ça rend bien dans un film intitulé Rafting Blues.

La scène vire au vert franc. Nous sommes en pleine campagne. Encore quelques hésitations, quelques tournants et on arrive chez les Max. Le ciel est d’un bleu intense. Il s’agit de revêtir en vitesse des tenues de cinéma justement. Une combi sombre et moulante, et des accessoires un rien fatigués mais qui pètent toujours le feu, du moins sur le plan chromatique. Casques, gilets de sauvetage et pagaies éclatent dans les tons fluos. Un des Max nous fait son topo, nos gentils organisateurs traduisent. Il faut se dépêcher car on n’est pas en avance. Les femmes enceintes et les grands cardiaques sont interdits de bateau. Il faut suivre les instructions des deux moniteurs qui prendront place sur chaque canot, etc. Le topo avalé, nous montons dans un bus à la carrosserie délavée ; il a un petit côté Woodstock. 

La scène n’abandonne pas le vert, mais se colore d’ocre et de brun. Les rives de la rivière Tone ont une belle couleur terreuse, elles sont débordantes de végétation drue. La rivière est bien sûr en pétard. Ses vagues jaunes roulent et roulent et charrient des branchages, et d’autres mystères que personne n’a le temps de détailler. Notre mono donne de la voix pour couvrir le grognement du courant. Et pour nous apprendre les gestes de base.

Avec six participants et deux monos par canot, il s’agit de réagir vite, et comme un seul homme. Tous assis sur le bord, tous regroupés calfeutrés au centre, pagaie en avant, pagaie en arrière. Pas compliqué. Faut voir. Certains affichent l’aisance des vieux routiers du rafting. Les novices frémissent un peu, mais restent stoïques. On embarque. On s’asperge, histoire de diluer les craintes. Ça marche, tout le monde rigole. La scène baigne dans le beige. Normal, nous avons les yeux rivés sur les eaux furibardes et bouillonnantes. 

Le moniteur nous braille ses instructions d’une belle voix rauque. Il est roux, ça lui va bien et ça se marie avec le ton des vagues. La monitrice ne dit rien. Elle pagaie. Nous aussi.

On s’amuse comme des collégiens because le rafting c’est very funny, il faut bien le dire. Nous rigolons, nous nous mélangeons les pagaies, les couleurs du metteur en scène s’emmêlent gentiment, comme le reste. On n’a plus peur de rien, on ne comprend pas toujours les instructions parce que ça va trop vite, mais assez souvent on se retrouve assis, ou regroupés calfeutrés, ou pagayant dans le bon sens.

Le moniteur nous trouve tout de même un tantinet indisciplinés. Il donne de la voix, il aboie un peu. Peu importe, paix sur la terre et les flots et les rafteurs de bonne volonté. Nous sommes contents, nous redevenons gamins sauf ceux qui le sont déjà.

Une vague plus folle que les autres arrive droit devant. Nous serrons tous ce que nous avons à disposition. Les dents notamment. Et l’équipage ne fait qu’un, et se calfeutre, pour franchir la passe en souplesse. La secousse est musclée, nous rions à gorge déployée, une autre vague foldingue se profile. Un mouvement furtif à l’arrière nous attire l’oeil. Nos deux moniteurs disparaissent, jambes en l’air, rétines stupéfaites, bouches ouvertes, dans une magnifique gerbe d’écume. Et le courant les emporte, mais pas exactement dans notre direction.

Nous restons calmes, nous nous concertons. Le metteur en scène est content. Il tient une scène d’une intensité dramatique rare, et décide de rester dans le beige. De toute façon, il n’a pas le choix. La rivière charrie son limon couleur caramel et voudrait bien nous charrier aussi, et nous entourlouper dans ses langues farceuses. On tient bon.

Pendant ce temps, nos moniteurs tentent de remonter à bord d’un canot. N’importe lequel. Les moniteurs des autres bateaux manoeuvrent finement et nous rendent notre duo de spécialistes. La scène vire au blanc et au roux. Au blanc surtout. Celui du visage de notre moniteur. Il a perdu la face. Nous tentons de le réconforter. Il nous enguirlande. Il refuse nos bras tendus. Nous restons zen.

 

 

Retour au bus Woodstock, la scène repasse au vert. Le moniteur pleure dans son coin. À croupetons sur le bord du chemin comme dans un bon vieux Zatoichi, lorsque la paix redescend sur les braves après le carnage, et que les sabres sont nettoyés et rangés dans leurs fourreaux. Nous nous interrogeons sur les différences culturelles. C’est la vie, mais c’est aussi du cinéma, ne l’oublions pas.

La scène vire à ce que vous voulez. Tout le monde est rhabillé. C’est le moment du repas. Des grillades nipponnes odorantes, un petit vin français tout ce qu’il y a de bien. Un court discours d’adieu du président de l’AFJ, Michel Haour. Des échanges joyeux. 

La scène passe au gris. Mais un gris de toute beauté. Avec une pointe de mauve. Il faut bien ça pour le final. L’orage couve au-dessus des champs et durcit les couleurs des sillons et des bosquets. Nous rentrons.

Nous glissons un CD de shamisen électrique dans le lecteur de la voiture. Quelqu’un fait remarquer que le Japon, c’est comme le shamisen électrique. À la fois traditionnel et futuriste. Et c’est pour ça que nous aimons tant ce pays.

La pluie éclate et chacun sait qu’il n’y a qu’au Japon qu’il pleut aussi beau. C’est le moment du générique. Les noms des acteurs défilent, et ceux des cascadeurs.

Je n’arrive pas à discerner le patronyme de l’artiste aux cheveux roux. Mais lui, je ne suis pas prête de l’oublier. Il est Japonais. Il est compliqué. Comme nous. Parce que nos différences ne nous rendent pas aussi différents qu’on veut bien le dire.

Texte : Dominique SYLVAIN  Photos : Daphné HAOUR