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Avril - 2023 | ![]() |
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Événements du mois |
Ôyama
La journée commença par une surprise. Alors que l’on s’était donné rendez-vous au bout du quai 5 de la ligne Odakyu à la gare de Shinjuku, Patrick n’était pas là. A sa place, une jeune femme pleine de charmes, assise sur le banc, en train de grignoter un bout de pain en attendant vraisemblablement ses camarades avant de partir pour une randonnée. Inutile de dire que, pendant tout le temps où j’attendais Patrick, je n’ai pu la quitter des yeux, et me demandais comment j’allais faire pour faire connaissance avec elle. Et figurez-vous que ce sera chose faite.
Le téléphone sonne et me ramène à la réalité. C’est Patrick. Il m’annonce que le rendez-vous était non pas en tête mais en queue de rame. Je pars donc le rejoindre avec le seul regret de devoir abandonner mon fantasme dans son état embryonnaire. A ce moment-là, à mon grand étonnement, cette femme se lève et s’approche de moi. Elle m’adresse la parole. Je rêve ? Pris de court par les événements, je perds la tête et balbutine des mots qui ne veulent rien dire. Et, alors que j’essayais de me reprendre, quelqu’un me tire par le bras. Je me retourne et, que vois-je ? Deux autres jeunes femmes qui me regardent comme si j’étais le petit Jésu. Est-ce un rêve ? Suis-je en vérité encore dans mon lit ?
Rien de tel. Ces trois femmes étaient tout simplement inscrites à la randonnée organisée par Patrick et, comme moi, étaient persuadées que le rendez-vous était en tête de rame. M.’entendant parler en français au téléphone, elles ont tout de suite compris que j’étais en communication avec le groupe de Français qu’elles étaient censée rejoindre. Sans même avoir eu le temps de se dire bonjour, nous nous ruâmes vers l’autre bout du quai.
Dans le train qui nous conduisait à la gare d’Isehara, je me rendis compte que notre groupe comptait plus que trois jeunes Japonaises. J’interrogeais donc Patrick sur ce mystère : pourquoi donc tant de Japonaises à cette sortie de l’Association des FRANCAIS du Japon ? Sa réponse : « depuis que nous avions commencé à faire du bénévolat dans le Tohoku, l’AFJ attire plus de Japonais qu’avant ». Rien n’explique la présence relativement massive de la gente féminine. Ce que mon interlocuteur n’a pas su dire de sa propre bouche, c’est que ces Japonaises sont toutes tombées sous le charme de Patrick. Sacré Patrick ! A la gare d’Isehara, d’autres personnes nous rejoignirent et le groupe fut au complet ; vous le verrez sur les photos, les Japonaises sont largement majoritaires !
A Isehara, nous prîmes le bus qui nous achemina jusqu’à la station du funiculaire. Ou plus exactement jusqu’à proximité du funiculaire, puisque, depuis l’arrêt du bus jusqu’à la station, nous dûmes marcher environ un quart d’heure le long d’une étroite avenue commerçante. C’était le moment ou jamais d’avaler quelque chose de roboratif et je cède à la tentation d’un mitarashi dango, cette brochette de quatre boulettes de pâte de riz enrobées d’une sauce salée-sucrée. Miaam !
Dans le funiculaire, nous fûmes serrés comme des sardines. Heureusement, ça ne dura pas longtemps, et nous arrivâmes en peu de temps au Afuri Jinja, ce temple shinto où l’on vénère une divinité réputée pour son pouvoir à provoquer la pluie, d’où son nom, qui est une altération de amefuri, littéralement, « tomber de la pluie ».
Pour notre part, nous ne voulions pas qu’il pleuve et, Dieu merci, le temps était plutôt clément pour un jour de mi-novembre. Je dirais même chaud. C’est que notre randonnée a commencé par l’ascencion d’un escalier long et raide qui donnait l’impression de grimper un mur. Et ce n’était que le début !
Très naturellement, le groupe s’est étiré et, ce faisant, s’est entrecroisé avec d’autres groupes. Car nous n’étions évidemment pas les seuls à avoir eu l’idée d’aller contempler, un dimanche à la mi-novembre, le feuillage des érables couvrant la montagne tourner au rouge. Faut-il préciser que j’étais parmi les premiers, en compagnie de cette charmante jeune femme que j’ai « rencontrée » sur le quai ?
A mi-chemin, je me suis arrêté à Fujimidai, un endroit à partir duquel, comme son nom l’indique, nous sommes censés pouvoir admirer le Mont Fuji. Or, ce dernier n’était pas au rendez-vous, dissimulé par les nuages qui couvraient l’horizon. Dommage.
Je reprenais alors mon chemin. Combien de roches ai-je escaladé ? combien de marches ai-je enjambé ? combien de racine ai-je franchi ou piétiné ? Vers midi trente, au bout d’une heure et demi de marche forcenée, je suis enfin arrivé au sommet d’Ôyama, à 1252m d’altitude. Et devinez ce que j’y ai trouvé : une horde de randonneurs qui peuplaient le sommet, comme si nous étions à la foire ou à la messe ! Entendons-nous bien : nous faisions partie de ces randonneurs et nous n’avions pas à nous plaindre.
Petit à petit les autres nous rattrapèrent et le groupe regagnaient progressivement sa taille initiale. Puis nous cassâmes la croûte. L’un d’entre nous, randonneur chevronné, nous préparait un amazaké en faisant bouillir de l’eau à l’aide d’un réchaud. Il s’agit d’une boisson faite à base de riz, sucrée et sans alcool, idéal pour se réchauffer et reprendre des forces. Car des forces, il nous en faudra. Pour redescendre.
Pour éviter de refaire le même chemin que la montée, nous avions décidé de nous diriger vers Miharashidai. Nous y sommes arrivés après environ une heure de marche. A cet endroit, Patrick a proposé à ceux qui le souhaitaient, autrement dit, à ceux qui commençaient à être fatigué, de regagner la station du funiculaire. Or, surprise, tout le monde était prêt à faire une heure et demi de marche supplémentaire !
A vrai dire, mes quadriceps commençaient à ne plus vouloir m’obéir et je décidais de ne plus m’efforcer à rester dans le peloton de tête. Je descendais doucement, en regardant le paysage et m’arrêtais à chaque fois que celui-ci m’émouvait. Par exemple, le contraste entre la silhouette des arbres que le contre-jour rendait noir comme du charbon et la montagne brumeuse en arrière plan. Ou encore les faisceaux de lumière et d’ombre créés par les arbres alignés sur la crête d’une montagne voisine. Ces scènes semblaient magiques, mais étaient tout simplement naturelles.
La descente de la montagne s’est terminée par la traversée d’un petit pont en bois de 30cm de large au dessus d’un ruisseau, que nous avions franchi un par un. Il ne nous reste alors plus qu’à marcher une demi heure sur une route bitumée pour aller jusqu’à l’arrêt du bus. Sur le chemin, nous passions devant une pagode à trois étage. Nous décidâmes de faire une dernière photo de groupe devant cette pagode, malgré la réticence de nos amies japonaises qui n’avaient pas l’habitude de prendre des photos dans un... cimetière.
Il était cinq heures moins le quart lorque nous prîmes le bus. Le soleil s’était déjà couché et la silhouette des montagnes se découpait dans un ciel orange. Arrivé à la gare d’Isehara, la nuit était tombée. Ici, le groupe se séparait entre ceux qui préféraient rentrer à Tokyo et ceux qui prévoyaient de terminer la journée dans un onsen. Un bain bien chaud pour relaxer les muscles, ainsi qu’un sauna et un bain froid pour améliorer la circulation sanguine, ça ne fait pas de mal ! A la sortie du bain, autour d’une bière et d’un bol de soba, nous nous félicitions mutuellement des efforts accomplis durant cette randonnée assez sportive mine de rien. Pour preuve, j’ai souffert pendant deux jours de courbatures aux quadriceps et aux mollets ! Moralité : ne pas se moquer des Japonais qui, en groupe, font des étirements à la fin de la randonnée.
Par Rigue Kitakami